samedi 14 juillet 2012

ROSE KENNEDY

Dans une caisse, des photos de PH prises au Jardin du Luxembourg. Il joue un peu avec l'objectif, tire la langue, se dissimule à moitié. Des images pas vraiment bonnes, au fond. Ni cadrées, ni profondes, ni tout à fait symptomatiques de ce qui pouvait les lier à ce moment-là. Sans le tampon à l'arrière, elle aurait presque du mal à se souvenir que c'était en 2001. En septembre, exactement. Chez un petit disquaire de la Rive Gauche, pendant qu'il fouillait longuement dans les bacs, elle avait trouvé 'Rose Kennedy'. Elle avait proprement remisé ce souvenir avec les factures, les faire-parts de naissance, des cartes postales d'Egypte, quelques bristols de restaurants. 

Il lui avait fait découvrir 'Blue Monday', la musique de Detroit et Maurice Dantec. Il prétendait que le rock'n roll était mort mais n'était pas capable de rouler ses joints tout seul. Il s'en amusait parfois devant elle, mais ne lui proposait jamais de fumer ensemble, ça ne faisait pas partie de leur paysage commun. Ces moments-là étaient ceux de sa vie estudiantine, tunnel de fêtes et d'abandon programmé. Le weekend venu, elle constituait son repos du guerrier. Elle acceptait d'être celle qui attend à l'aune de ce qu'elle avait cru voir en lui : un esthète, un appétit, une ouverture, un point de vue contrasté. 

Il oublia son anniversaire. Le jour où son oncle l'invita à la dOCUMENTA, il ne lui proposa pas d'être du voyage. Elle ne rencontra pas non plus sa mère qui craignait les ondes et les effets néfastes des pesticides du voisinage. Elle n'était qu'en orbite de sa vie segmentée: il fut aisé pour le jeune homme de se délester du satellite devenu encombrant. Il lui annonça la nouvelle peu de temps après la Nuit Blanche. 

Longtemps, au détour d'une rue, elle continua à voir chez d'autres garçons ses traits, distinguer ailleurs ses mimiques juvéniles. Puis il ne fut plus que des instants déchargés d'affects, traces de l'année et demie où elle vécut en Pénélope.