mardi 5 juin 2012

S W E A T

Aujourd'hui, ça sera la première fois, la toute première. Truman sent l'excitation lui couler à grosses gouttes le long des omoplates. Il observe la faune autour de lui, mais ne palpe pas encore bien d'où vont jaillir les hostilités, d'où partira l'impact. On lui a pourtant vendu ce groupe américain comme une mèche vers la poudre, et il est là pour en tâter. S'il connaissait les morceaux, Truman pourrait prévoir que ces notes-là s'avèreraient incendiaires. Il y a d'abord cette fille à cheveux rouges qui, comme en transe, ne peut s'empêcher de gueuler "O Katrina". A côté, ses compagnons d'ivresse ont commencé à gentiment se taquiner des coudes, et Truman, le sourire extatique, cherche à tout prix à se rapprocher de ce noyau qu'il pressent propice à son initiation dans les règles. Des épaules, il esquisse un pardon contrit tandis qu'il me bouscule, droit vers sa cible. Au cœur de la mêlée fauve qui vrille à plein régime, c'est un oiseau consentant pour le chat: il n'aura de cesse de projeter sa carrure de moinillon tant qu'il n'aura pas reçu l'adoubement viril de ce garçon au visage poupin mais à la puissance bovine. Il est prêt pour ça à sacrifier ses lunettes et sa chemise neuve en percale bleue.

Le pogo est une science brouillonne mais quasi érotique : on y dépasse ses propres limites physiques dans un affolement indicible, on effleure au passage des zones interdites. Truman n'est pourtant pas dupe: jamais plus il ne sera aussi proche de Troy qu'à cet instant de collision fortuite, un soir moite de juin, à un concert des Black Lips.

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